Henri Henguelle raconte la libération e son village.

RUISSEAUVILLE : La libération du village par l'armée polonaise : Henri Henguelle était aux premières loges.
En se levant, aux aurores, ce lundi 4 septembre, Henri Henguelle a ressenti que cette journée ne serait pas comme les autres. Un pressentiment qui allait s'avérer exact. Sa maison, située en plein cœur du village, sur la place, à l'embranchement de plusieurs routes, a été le théâtre d'une bataille aussi brève qu'intense le jour de la libération de la commune par l'Armée polonaise. Elle est aussi située à deux pas d'un axe routier important : la Nationale Abbeville - Hesdin - Fruges - St Omer - Ypres (Belgique). A l'aube de cette journée, l'armée allemande refluait de partout en faisant sauter les ponts. Une force relativement importante avait fait halte à Hesdin et aux alentours sur le chemin de la débâcle. De son côté, en provenance de Blangy sur Ternoise, le 24ème Lancier, sur chars Sherman, de la 10ème Brigade de cavalerie blindée de la 1ère Division blindée polonaise, était chargée de leur couper la retraite. Cette dernière opérait au centre du 2ème Corps d'Armée canadienne. Il est cinq heures du matin donc, heure solaire, et en ouvrant sa fenêtre Henri Henguelle aperçoit à deux pas de chez lui, sur la route de Blangy, un gros canon contre une haie (un anti-tank 75 PAK, probablement), semblant abandonné. La matinée a été calme, mais vers midi, il a vu remonter de la rue d'Azincourt une garnison d'artillerie allemande avec des chevaux traînant de gros canons. Avec des éléments d'Infanterie de la valeur d'un bataillon appuyés par quelques canons anti-chars et 4 tank-destroyers. En effet, ces derniers étaient entrain d'établir un point de résistance dans le village pour maintenir la route ouverte le plus longtemps possible. En rendant visite à un ami, rue d'Hesdin, il a pu apercevoir ce dispositif, notamment un canon anti-char près du cimetière. Mais aussi l'armée allemande en déroute, à pied, en vélo. Une dizaine de soldats ont été réquisitionnés au passage par l'officier allemand. Mais vraiment contre leur gré car à la première occasion Henri Henguelle les a vus courir se dissimuler dans un jardin….. En provenance de Blangy donc, les libérateurs sont ensuite arrivés et ont essuyé des tirs d'obus, les chars Stuarts de reconnaissance notamment. Il était 14 heures. Le 24ème lancier a répliqué immédiatement en envoyant un obus dans le clocher, où l'on devait avoir vue sur la plaine, et où aurait pu être installé un point de commandement, mais en vain. Seule la cloche est tombée sur les dalles. Aux premières loges Henri Henguelle a assisté alors au déroulement de la bataille qui a fait rage pendant une heure: " ça tirait de tous les côtés, au canon, à la mitrailleuse." se souvient-il. Sa maison a reçu un obus et sa façade a été criblée de balles car un canon de 75 avait pris position devant sa façade. Trois autres maisons ont également été atteintes et ont pris feu. Dans l'accrochage, le premier char conduit par Ludwig Dekowski, a échappé à la pièce de 75 PAK en dégageant brutalement à gauche à travers une pâture pour rejoindre la route d'Azincourt. Mais il fut atteint de plein fouet par un obus de chasseurs de chars embusqué dans une courbe. Sur la gauche (route d'Azincourt), le 3ème escadron s'était lui aussi déployé. En approchant la route Nationale un autre char Sherman sera atteint par un tank-destroyer camouflé près du cimetière. Bien que la résistance allemande n'ait guère pesée les alliés ont eu à déplorer deux décès dont celui de Ludwig Dekowski. Son corps a longtemps reposé au cimetière du village avant d'être inhumé, dernièrement, en Normandie dans un cimetière polonais. Son nom figure sur le monument aux morts de Ruisseauville. Un autre lancier Gustaw Goldstauw, mitrailleur au 3ème régiment, a été sérieusement blessé. Il décédera dans la soirée à l'antenne chirurgicale d'Humières.